Conservation du sol : premiers pas de la Blanche Maison
Maïs-ensilage. En octobre, la ferme expérimentale de la Blanche Maison (Manche) a ensilé du maïs implanté en semis direct sur couvert. Bilan de cette première année.
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L’agriculture de conservation des sols est de plus en plus présentée comme une alternative à la bio si l’on ne peut ou l’on ne veut pas s’affranchir des pesticides. Avec 4 % de la SAU nationale, elle est minoritaire en France. Cela ne l’empêche pas de susciter l’intérêt des producteurs… et des fermes expérimentales. Celle de Normandie, la Blanche Maison, dans la Manche, est la première à se lancer.
Elle a mis en place en 2017 une plate-forme d’essais de 8 hectares pour comparer à la conduite classique (travail du sol) deux systèmes de couverts végétaux permanents : le couvert vivant et le couvert mort.
Elle a ensilé les premiers maïs menés de cette manière en octobre dernier. Les rendements vont de 8 t à 12,5 t de MS/ha. « Nous n’en sommes qu’au début du processus de mise en place. La structure et le fonctionnement biologique des sols sont en cours d’installation. Des améliorations sont déjà identifiées », rassure Laurent Clarys, responsable de la ferme expérimentale. Il compare le sol à une pompe recycleuse qui fonctionne en continu. « Les couverts permanents alimentent la matière organique. Leurs racines et celles des cultures permettent sa décompaction et une remontée des aliments minéraux qui sont en profondeur. »
Couvert vivant : trèfle blanc
L’une des voies pour perturber le moins possible le sol est l’implantation d’un couvert vivant qui reste en permanence sur le sol. Le couvert fait pression sur les mauvaises herbes mais le risque est qu’il prenne le pas sur la culture de l’année. La Blanche Maison teste un couvert de légumineuse. Elle n’a pas choisi le trèfle violet, plus agressif. Elle a préféré le trèfle blanc mais se demande s’il est la légumineuse la plus appropriée. À son avantage, il est installé pour quatre à cinq ans, quitte à sursemer s’il devient moins dense. Dans la rotation mise en place (féverole de printemps-colza-blé-maïs-orge), il repart après la récolte d’été, ce qui permet une fauche à l’automne.
En sa défaveur, le trèfle blanc rentre en compétition avec le maïs car tous deux sont dans le même horizon racinaire. « Avant le semis de maïs, nous n’avons pas ralenti le trèfle blanc, par exemple par un traitement au dicamba de 0,3 litre par hectare. Il s’est trop développé, ce qui a fortement concurrencé le maïs qui s’est récolté à 8,1 t de MS/ha. Avec une bonne gestion du trèfle blanc, 12 à 13 tonnes de MS sont possibles. »
Deux méthodes pour implanter le trèfle blanc
Si la structure du sol est bonne, l’implantation se fait dans une prairie temporaire de 3 ans et plus. Les graminées sont détruites par un « antigraminée », au profit du trèfle blanc. On peut le renforcer par un semis à la volée. « Si la structure du sol n’est pas jugée bonne, après l’antigraminée, un mélange de féverole d’hiver, vesce, pois protéagineux et radis est semé directement dans la prairie avec un semoir à disques à partir de la mi-octobre (180 kg/ha). Il digère la prairie et travaille le sol en profondeur, notamment grâce au radis. Il sera ensilé début mai pour laisser la place au trèfle blanc. »
La luzerne installée en couvert vivant (à raison de 15 kg/ha semés) ou un mélange de luzerne et lotier (respectivement 8 et 7 kg/ha) pourrait être une alternative. Son horizon racinaire, plus en profondeur que le maïs, évite la compétition entre les deux. « Si elle est fauchée très ras à l’automne, on arrive à la gérer correctement au printemps, sans herbicide ou alors avec un soupçon d’antidicotylédones. » La ferme expérimentale teste cette piste sur des microparcelles (voir encadré).
Couvert mort : mélange de protéagineux
Cette seconde stratégie répond aux rotations de trois ans pratiquées dans les exploitations laitières spécialisées : maïs-maïs-blé. Une association de céréales + protéagineux (seigle, féverole, pois, vesce, radis à 110 kg/ha) est implantée en intercultures à partir de la mi-octobre. « Nous testons deux usages d’interculture : avant le semis de maïs, mélange ensilé ou couché au sol par un rouleau à lames hélicoïdales Faca, dans les deux cas pour former un couvert permanent. Nous verrons s’il est plus intéressant de produire le maximum de matière sèche à l’hectare ou de faire une seule récolte dans l’année, celle du maïs-ensilage, ce qui permet de restituer plus de biomasse au sol. » L’objectif du rouleau Faca est de « casser » la végétation. Elle ne repartira pas ou mettra du temps, laissant la possibilité au maïs de prendre le dessus.
Course de vitesse entre le maïs et les adventices
« Avec ces deux modes de gestion en couvert mort, on cherche à se passer d’herbicide avant le semis ou à appliquer une mini-dose pour gérer les repousses. » Une biomasse suffisamment épaisse doit couvrir le sol pour mettre à l’ombre les graines d’adventices et favoriser les grains de maïs. Ensuite, c’est une course de vitesse. Il faut que le maïs couvre au plus vite les interlignes. Il fera ainsi de l’ombrage à ce qui voudra pousser dessous. Dans certains blocs, le rouleau Faca passé quatre jours avant le semis a produit un couvert caoutchouteux, gênant l’implantation du maïs en semis direct. « Avec un couvert couché de 4 à 5 tonnes de MS, la règle est de semer le maïs à 1 cm de profondeur car il doit ensuite traverser la biomasse », indique Laurent Clarys. Pour lui, l’idéal est de passer en même temps le rouleau, à l’avant du tracteur et de semer, à l’arrière. Parallèlement, n’étant pas assez dense, le méteil n’a pas créé un mulch assez épais.
« Comme nous n’avons pas réalisé d’herbicide en post-levée du maïs, une concurrence s’est créée entre la culture et les adventices. » Les deux phénomènes combinés ont pénalisé le rendement : 10,4 t de MS/ha. La ferme a augmenté la dose du mélange semé (180 kg/ha) avec plus de féverole et vesce et moins d’avoine et de radis, l’automne dernier. De son côté, le maïs précédé du méteil ensilé donne 12,6 t de MS/ha. Il n’a pas souffert de problème à l’implantation.
Claire HuePour accéder à l'ensembles nos offres :